Uribe arrêté!
Alors ce jour un post sérieux, qui m’oblige à 2 choses:
- creuser un peu, parce que même baignant dans la vie politique colombienne depuis maintenant 5 ans, et ayant entendu ce nom à de multiples reprises et bien compris que ce personnage était un élément central de la vie politique locale, la situation est tellement complexe et date de bien avant mon arrivée, que je devais me faire à moi-même un récapitulatif de la situation. Et même là, je ne suis point sûr de ne pas dire d’énormes bêtises!
- d’essayer de ne pas faire un article partisan (même si sans conteste mon cœur ne balance pas….) car c’est une histoire colombo-colombienne, qui crispe énormément ici, et qui marque profondément l’opposition de la population.
La presse mondiale en a beaucoup fait écho et tu as donc peut-être vu passer cette info, sans lire les articles et tu souhaites peut-être en savoir (un peu) plus.
Le gars: il faut donc commencer par un biographie de cet homme.
En gros Alvaro Uribe Velez est un homme politique donc, né en 1952 qui a été successivement député (1986-1994), maire de Medellin (nommé, mais 5 mois seulement avec des soupçons, déjà, de participation à une réunion avec les cartels de la zone) et enfin Président de la République, de 2002 à 2010, premier président réalisant un 2e mandat depuis un siècle. Et connu comme le mentor (pour ne pas dire plus) de l’actuel Président Ivan Duque.
Le gars est tellement présent que je viens de découvrir qu’il est surnommé le « président Teflon », pour sa durabilité et sûrement aussi parce que tout lui glisse dessus!
Connu pour être de droite, voir d’ultra-droite, il est loué par une forte partie de la population pour avoir durant ses mandats, redressé et consolidé l’économie, et surtout rétabli (façon de voir) la sécurité (en gelant les salaires des fonctionnaires et en privatisant les hôpitaux – tiens, tiens coucou COVID – pour nettement augmenter le budget de l’armée).
Le soucis est, si j’ai tout compris, que pour faire cela il a toujours été à la limite de la légalité (pour rester très très neutre) avec une forte proximité avec les milices paramilitaires qu’il aurait couvertes, aidées voir également amnistiées. Et au contraire, il voue une haine féroce aux guérillas ELN et FARC (son père a été assassiné par ces dernières) et a usé de tout son poids pour les combattre durant ses mandats (avec de forts scandales… bombardement en territoire équatorien et surtout falsos positivos, les faux guérilleros abattus, de simples civils innocents, et présentés comme de vrais guérilleros, pour faire du chiffre dans la lutte contre la guérilla), mais aussi pour combattre l’accord de paix de 2016, et on lui doit en partie le vote NON au référendum.
Tu ajoutes là dessus, des soupçons de contact avec les narcotrafiquants et d’enrichissement personnel durant les années de lutte contre la guérilla et depuis peu d’écoutes illégales sur bon nombre de gens, dont des journalistes, tu as un portrait presque complet (quoique très succinct).
L’affaire: il a bien évidemment, pour l’ensemble de son œuvre, beaucoup beaucoup d’affaires aux fesses (une cinquantaine de plainte en cours, mais le plus souvent au niveau de l’enquête préliminaire) et s’est déjà sorti de situations périlleuses. Et si il est accusé de massacres et de liens avec d’ex-paramilitaires, de narcos et donc tout ce qui est lié à leurs exactions, c’est pour une affaire de malversation et de subordination de témoins qu’il vient d’être arrêté! C’est lui-même qui l’a annoncé par Tweet:
En résumé, il a été accusé par un sénateur, Ivan Cepeda d’avoir créé puis aidé une milice d’auto-défense, témoignages d’ex-paramilitaires en prison à l’appui! Pour se défendre, la meilleure défense c’est l’attaque, Uribe a alors porté plainte et accusé à son tour, Cepeda de subornation et manipulation de témoins. Mais cela s’est retourné contre lui, l’enquête préliminaire ayant classée la plainte (contre Cepeda), mais surtout une enquête a alors été ouverte contre lui (Uribe) pour les mêmes raisons!
Suite: il a donc été entendu comme témoin, puis à l’unanimité, la Cour Suprême a décidé de l’incarcérer! C’est la première fois qu’un ex-président l’est, même si il est enfermé … à domicile, dans sa ferme de plus de 100.000 hectares (non, non y’a pas de soucis de « 0 »).
Mais pour ce qui suit vraiment, je ne sais pas, j’avoue mon ignorance générale en matière de justice et encore plus du fonctionnement de la justice colombienne.
Conclusion: c’est un événement majeur pour le pays, même si il arrive en pleine pandémie et passe un peu inaperçu à l’extérieur. Le pays est très polarisé, et un affrontement pour l’instant virtuel par le biais des réseaux sociaux surtout entre les partisans purs et durs d’Uribe (les uribistas) et de la droite, qui crient à l’injustice et à l’oubli de tout le « travail » accompli par Uribe pour le pays (et même une déclaration très partisane du président Duque), qui ont même tenté de battre le pavé malgré le confinement, et les anti-uribistas qui fêtent la chute et la déchéance de leur ennemi juré!
Et avec au milieu, plus ou moins neutre, une partie de la population qui est quand même heureuse de voir enfin un membre du monde politique être rattrapé par la Justice. Ce qui, entre les atrocités des guérillas, contrées par celles des milices d’auto-défense, les déplacements de populations, les disparitions, les attentas des narcos, les assassinats actuels des leaders sociaux, la corruption et la gabegie, est finalement assez peu courant.
A suivre donc, en espérant que l’affrontement ne devienne pas réel et ne mette pas le pays à feu et à sang!
Oubli: une série disponible sur YouTube retrace l’ensemble de l’œuvre de ce grand homme pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus! Mais c’est en espagnol!
Incarcéré dans un domaine de milliardaire…
Ce n’est pas La prison de Villefranche !
Article intéressant, je n avais pas suivi dans les médias français…. peut-on vraiment dire incarcéré ??? Avec un espace de liberté aussi grand c’est plutôt » excarcéré » ???