Le pays va mal

Le pays va mal, pour ceux qui ont la référence, c’est une chanson de Tiken Jah Fakoly, chanteur ivoirien…

En gros, pendant que j’y suis, voici la genèse de ce titre. Il faut alors replacer Tiken Jah Fakoly dans son contexte. Originaire de Côte d’Ivoire, il a grandi dans un pays marqué par les indépendances africaines, les promesses non tenues et les inégalités. Sa musique est profondément ancrée dans la réalité de son pays et du continent africain.

Il évoque dans cette chanson, de nombreux thèmes, dont la corruption endémique qui gangrène les gouvernements africains et les conséquences désastreuses qu’elle a sur la population. Ou encore l’exploitation des richesses africaines par les puissances étrangères et les élites locales, au détriment des populations. Enfin le chanteur critique l’influence néocoloniale de l’Occident en Afrique, qui maintient les pays africains dans une situation de dépendance.

Avec un spécificité que j’avais presque vécu de l’intérieur lors de mes années nigériennes (2000-2002) de l’ivoirité. Un concept d’abord positif, ramenant à la culture ivoirienne et ce qui fait la richesse de ce pays (apparue dans les années 1980) mais qui à mon époque était surtout politique et permettait à Henri Konan Bédié d’éliminer des candidats son principale opposant, Alassane Ouattara, « nordiste » (entendre « du nord du pays »). Dont les 4 – quatre- grand-parents n’étaient pas tous ivoiriens)!

En résumé, « Le Pays Va Mal » est née d’un constat amer de la situation politique et sociale de nombreux pays africains. Tiken Jah Fakoly a voulu donner une voix à ceux qui souffrent et dénoncer les injustices dont ils sont victimes. La musique reggae, avec ses rythmes entraînants et ses paroles engagées, s’est révélée être le véhicule idéal pour transmettre ce message.

Introduction faite, cette chanson est valable pour pas mal de pays au monde. A l’heure actuelle, tu ne sais toujours pas si le parle de la France, qui, entre dettes, problèmes de gouvernance et morosité ambiante, ne va pas très bien (vu de loin). Ou de la Colombie, qui, même si je ne serais jamais totalement colombien, peut aussi être considérée comme mon pays.

C’est bien évidemment de cette dernière que je veux parler, qui affronte en ce moment deux périls d’origine distincte mais qui porte atteinte, dans les 2 cas aux droits basiques de l’être humain.

Crise intérieure

Genèse

La plus violente, puisque les victimes, principalement civiles, se comptent par dizaines. Il s’agit d’affrontements armés dans le Catatumbo, une région que je connais un peu puisque j’ai déjà emprunté, à moto et avec Lina, la route qui forme la frontière sud de cette région du pays, entre Cucuta et Ocaña. Nous avions alors dormi chez sa copine et coloc Tati, à Ocaña, et une autre fois, seul j’avais pu visiter Los Estoraques, à Playa de Belem.

En gros, en très gros, car malgré mes écoutes ou mes lectures, la situation est trop complexe pour moi. L’ELN très active dans la région (plus de 2500 hommes armés) affronte 200 hommes de la Dissidence du Frente 33 de la FARC. Organisation qui a signé les accords de paix de 2016, mais dont des membres ont refusé de déposer les armes.

Or ces 2 organisations clandestines se financent avec le narcotrafic. Et s’affrontent sur ce terrain, plutôt peu accessible et fertile, idéal donc pour la culture de la coca et la production de cocaïne.

L’ELN a promis une guerre totale jusqu’à la chute de Alias Richard, qui, qui en tant que « tête financière » du Frente 33 a eu l’affront de contester leur monopole sur la région et donc l’ensemble du trafic.

Tu reconnaîtras les noms de Cucuta, que je connais bien après plus de 12 séjours sur place, ou encore San Cristobla où vit Lina. ET je précise que cette zone est aussi normalement une zone d’intervention, d’Intersos, l’ONG de la miss, qui a des missions à Tibu.

Situation actuelle

Plus de 200 morts et surtout 50.000 déplacés, en direction des villes de Cucuta et Ocaña. Auxquels tu peux ajouter des règlements de compte dont les principaux visés sont des combattants démilitarisés ayant signés les accords de paix.

Par dessus tu rajoutes l’envoi de blindés de l’armée, histoire d’ajouter une troisième force, pour calmer tout le monde. Mais peu connue pour ses méthodes douces.

Par dessus tu rajoutes le rôle étrange de l’ELN, qui a force de vivre à cheval sur la frontière, est devenue une entité binationale, et serait conduite en sous main par Maduro, le président vénézuélien, en vu d’en faire sa première ligne de défense en cas d’une intervention militaire dans son pays depuis la Colombie!

Les journaux du monde entier l’ont évoqué, mais après plus de 2 semaines d’affrontements sporadiques mais meurtriers, la situation est loin d’être au minimum stabilisée.

Mais moi je pense à Tatie, aux divers membres des ONG que je connais via Lina dans la zone, mai surtout des habitants lambdas, qui n’ont, dans cette région-là, jamais connu ni paix ni même tranquillité depuis 1964 et le début de la guerre civile!

Crise extérieure

Mise en situation

C’est là qu’intervient dans le même temps le tout nouveau (ré)-élu président des USA, le sus-nommé Donald Trump. Dont tu as sûrement entendu parler de sa position sur l’immigration, entre le fameux mur à la frontière mexicaine, proposition phare et inachevée de son premier mandat, et son envie de renvoyer plus de 11 millions d’illégaux, la plupart sud-américains, dès le début de son second mandat!

Tu connais sa propension à faire ce qu’il dit, même si c’est stupide et inhumain! Sans que l’on te le dise, les vols ont directement commencé. Le Mexique a reçu le retour de plus de 4000 de ces citoyens en une semaine. Le Salvador, le Honduras, le Guatemala, le Nicaragua ne sont pas en reste tu le devines. Mais aussi la Colombie.

Position de la Colombie

Sauf que le Président Petro, président socialiste, a été le seul a refuser les déportations de ses concitoyens. Enfin plutôt « l’entrée d’avions militaires américains dans l’espace aérien colombien ». Il faut dire que la coopération entre les 2 pays, surtout au niveau de la lutte contre le narcotrafic, n’a jamais été une partie de plaisir, entre ingérence et coups tordus des gringos, et corruption et nationalisme exacerbé côté colombien.

La crise n’a duré que 24h (principalement le dimanche 26) et face aux menaces de Trump, Petro a finalement cédé. Mais en en envoyant ses propres avions chercher les colombiens illégaux.

Il faut dire que malheureusement à la fin, c’est toujours le portefeuille qui gagne! Trump, a décrété une augmentation immédiate de 25% des droits de douanes de TOUS les produits colombiens entrant sur le territoires US. Petro a contre-attaqué avec les mêmes 25%. Trump a alors pissé le plus loin en disant 50% au bout d’une semaine. Comme la Colombie importe plus qu’elle n’exporte vers les États-Unis, Petro a perdu le bras de fer.

Les colombiens sont globalement assez fiers de cette (ce début) d’opposition, mais ont aussi eu très peur, la situation économique n’étant, ici non plus, au beau fixe.

Dès mardi, 2 avions des Forces Armées Colombiennes ont ramenés près de 200 ressortissants colombiens illégaux au pays. Dans des conditions dignes selon les canaux de communication de la Présidence. Mais bon, au départ visiblement, les conditions d’accueil n’étaient pas vraiment digne, et rentrer au pays avec un sac de 20 kilos et monter dans l’avion menottes aux poignets, cela me glace le sang.

Tout cela suivi d’un 3e vol le lendemain et ce n’est pas près de s’arrêter.

Outre les témoignages sur les conditions de rétention et au départ, les témoignages que la plupart ne sont pas des délinquants, juste des clandestins affluent. Alors que normalement la priorité était de renvoyer les personnes illégales ayant commis des délits… Je pense alors automatiquement à mes amis haïtiens, qui dans une situation de violence sans nom, reçoivent depuis des années les pires de leurs concitoyens délinquants depuis les USA, condamnés eux! Alors que l’état n’est même pas capable de les recevoir ni même de simplement les comptabiliser et les localiser!

Mais où va le monde?