La toma du Palais de Justice

Il est étrange de voir, comme quoi, de loin, nos connaissances sur un pays sont pauvres et bien souvent limitées par nos centres d’intérêts. Je ne crois pas qu’il faille en avoir honte….. Il y a plus de 200 pays dans le monde, et notre connaissance ne peut en être que parcellaire voir inexistante. Demandez-moi l’état de l’économie du Bostwana, les Grands Hommes d’Islande ou les événements historiques marquants du Paraguay, et je ne pourrais pas vous en dire grand chose.

Donc pour moi la Colombie, pendant 38 ans, c’était Valderama et  Huiguita, Pablo Escobar et les narcos, les FARC et l’ENL, Ingrid Betancourt et « il est bon ton café gringo…. »! Pas glamour mais, comme précisé plus haut, la Colombie a été pendant longtemps une notion assez vague pour moi.

Ne pas connaître son pays d’accueil avant, d’accord, mais il n’y a par contre, pour moi, aucune excuse de ne pas ouvrir tout grand ses yeux et ses oreilles une fois sur place, pour essayer d’en apprendre un maximum, et ainsi avoir plus de clés pour comprendre, la culture ou certaines situations de la vie courante.

Et hier et avant-hier, 6 et 7 novembre 2015, c’était le 30e anniversaire d’une tragédie qui a bouleversé la vie des colombiens, par l’horreur et l’incrédulité de l’action.

Le 6  novembre 1985 a eu lieu, en plein cœur de la capitale colombienne, jouxtant la place Simon Bolivar, la prise (la toma) du Palais de Justice par le groupe M-19 (Movimiento 19 de Abril). Et le 7 novembre, le lendemain, a eu lieu, dans la violence, la retoma (la reprise) du Palais de Justice par les Forces Armées Colombiennes.

Nous avons évoqué cela avec Jaime, notre prof d’espagnol, qui vient tenter de nous faire entrer cette langue dans nos petits cerveaux tous les vendredi soirs pendant 2h. Agé de 38 ans à l’époque il nous a raconté les faits, comme il les a perçus lui, tout en remontant aux origines.

En résumé, il nous a expliqué le M-19 (hemé diésinuévé en VO) est né après des élections présidentielles frauduleuses en 1970 (un … 19 avril…) qui verra, contre toute attente, alors que les radios se virent interdire de diffuser les résultats provisoires, en faveur du candidat de gauche, le lendemain matin, annoncer la victoire de Pastarna, un conservateur. Le M-19 sera créé dans la foulée, et se fera connaître par des coups d’éclats de guérilla urbaine sans grande violence (vol de l’épée de Simon Bolivar, prise d’otages des Ambassadeurs réunis en cocktail, pillage durant la nuit de noël, à l’aide d’un souterrain d’un dépôt d’armes de l’armée.

Malheureusement, la reprise en main du gouvernement sera féroce, avec l’assassinat de plusieurs membres des M-19, ainsi que de des membres du parti U.P, sa branche politique si on peut dire.

Le 6 novembre 1985, le M-19 prend donc d’assaut le Palais de Justice de Bogota, en pleine guerre entre Pablo Escobar et la Justice colombienne, qui veut faire passer une loi d’extradition des narco-trafiquants vers les USA. Donc la rumeur courra pendant longtemps que les cartels étaient derrière cette attaque, ce que le M-19 démentira toujours.

En tout, 35 guérilleros prendront en otage 350 personnes, dont 11 juges de la cour suprême, des visiteurs, des employés à 11h40 du matin c 6 novembre 1985, avec pour but de demander un procès contre le Président de l’époque, Bélisario Betancourt, coupable à leurs yeux de ne rien faire pour amener la paix en Colombie.

La suite est délicate, le Colonel Alfonso Plazas, à l’heure actuelle, la seule personne jugée et condamnée pour cet assaut meurtrier, continue d’affirmer qu’il n’a fait qu’effectuer les ordres venant de la Présidence. Le Président lui, dit avoir demander la reprise du Palais Justice, sans jamais mentionner que ce devrait être par la force.

La reprise sera donc très violente, chars, hélicoptères, unités d’élite, 99 personnes périront, dont tous les membres du commando (sauf 2, encore que l’un de ceux-ci mourra dans les jours suivants, assassiné), pris entre les tirs mais aussi brûlés dans l’incendie déclenché par les tirs au canon contre le bâtiment.

Mais ce qui choque encore plus la Colombie, encore à l’heure actuelle, et cela se justifie, c’est que plusieurs personnes (12) sorties vivantes durant les événements, filmées par les caméras des télés, e vues par des dizaines de témoins, n’ont plus jamais donné de nouvelles, après avoir été emmenées dans des véhicules militaires pour un « debriefing » (afin d’éviter que des membres du commando s’évadent de cette façon). On retrouvera même le corps de l’un d’entre-eux, vu vivant à l’extérieur à la fin des combats, brûlé… à l’intérieur du Palis de Justice…..

Donc il existe en Colombie, comme dans de nombreux endroits dans le monde, des familles qui attendent depuis plus de 30 ans, que soit faite la lumière sur la disparition de l’un des siens. Comme en Argentine, ou au Chili.

Pour un petit résumé en anglais:

Car ce jour est considéré ici comme l’un des chapitres les plus tristes et des plus sombres de l’Histoire de la Colombie, qui du peu que je peux en savoir ne semble pas en manquer….

Et pour un regard décalé, mais pas inutile, même SoFoot se met de la partie en ces jours de souvenirs, en nous expliquant comment le gouvernement a tenté de détourner l’attention en utilisant un match de football!

Voilà, c’est aussi ça l’expatriation pour moi, rester humble en sachant en arrivant que l’on ne … sait pas grand chose du pays qui nous ouvre les bras. Mais être à l’écoute et ouvert pour en apprendre un maximum….